Guérir, Soigner, Accompagner : une perspective naturopathique vivante

Dans le cadre d’une approche holistique de la santé, les notions de guérison, de soin et d’accompagnement nécessitent une clarification sémantique et conceptuelle. Trop souvent confondues, elles engendrent des attentes divergentes chez les patients, et parfois une posture inadaptée chez les praticiens. La naturopathie moderne, en particulier dans son orientation hygiéniste et vitaliste, offre une grille de lecture pertinente pour redéfinir ces processus, à la lumière des données récentes en médecine intégrative, en neurosciences et en biologie du vivant.

Guérir : la régulation adaptative et l’homéostasie dynamique

En médecine conventionnelle, la guérison est souvent synonyme de disparition du symptôme. Pourtant, en biologie, la guérison authentique s’apparente à une restauration des mécanismes d’autorégulation du corps, c’est-à-dire la capacité homéostatique à revenir vers un état d’équilibre dynamique (1).

Du point de vue naturopathique, cette régulation repose sur l’intégrité du terrain (milieu intérieur), sur la vitalité (force vitale), et sur l’absence d’obstacles majeurs à l’élimination des toxines ou au bon fonctionnement cellulaire (2). Le symptôme est alors perçu non comme une défaillance, mais comme un processus d’autoréparation.

📌 Exemple  : Un état fébrile modéré (fièvre) est une réponse physiologique d'activation immunitaire. Bloquer la fièvre systématiquement peut retarder la guérison. D’après El-Radhi (2018), la fièvre joue un rôle adaptatif essentiel dans les maladies infectieuses (3). Il est préférable de l'accompagner.

La psychoneuroimmunologie a démontré l'interconnexion entre l'état émotionnel, les réponses immunitaires et les mécanismes inflammatoires. Une altération prolongée de ces circuits stress chronique, anxiété, charge mentale perturbe la neuro-immunité et empêche le retour à la santé (4).

Soigner : soutenir les systèmes d’épuration et de régénération

Soigner revient à soutenir activement les processus physiologiques du vivant à travers des interventions ciblées, naturelles, non-invasives, respectueuses du terrain. Le rôle du praticien est ici celui d’un facilitateur de la biologie, et non d’un substitut aux mécanismes innés.

Les grands axes du soin naturopathique reposent sur :

• La détoxication physiologique (activée via repos, jeûne, phytothérapie, drainage émonctoriel) (5)
• La revitalisation (nutrition hypotoxique, chrono-nutrition, eau de qualité, sommeil restaurateur)
• La gestion du stress (relaxation, cohérence cardiaque, respiration, techniques psycho-corporelles)

📌 Exemple: Le système lymphatique, souvent oublié, joue un rôle majeur dans l’épuration interstitielle. Or, il ne dispose d’aucune pompe active autre que le mouvement. L’activité physique douce (marche, rebounding, yoga) devient ici un véritable outil thérapeutique.

📚 Référence scientifique : Le rôle du jeûne intermittent dans la régénération cellulaire et la diminution de l’inflammation systémique est désormais bien documenté (Longo et Panda, 2016) (6).

Accompagner : une démarche de conscientisation et d’autoguérison

L’accompagnement, dans le sens noble du terme, ne vise ni à “guérir à la place de” ni à “soulager à tout prix”, mais à co-construire un chemin de compréhension, de responsabilisation et de transformation intérieure. C’est ici que s’inscrit pleinement la vision humaniste et systémique de la naturopathie.

📌 Principe fondamental : On ne soigne pas une personne comme on répare une machine. L’individu est un système complexe vivant, conscient, traversé par des émotions, une histoire et une quête de sens.

Le modèle biopsychosocial proposé par Engel (1977), puis enrichi par la médecine narrative (Charon, 2006), offre un cadre pertinent pour cet accompagnement. Il met en lumière que le processus de guérison est influencé par des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux – et que l’accompagnement permet de mobiliser ces dimensions.

Dans cette perspective, la maladie devient un messager. L'inconfort, loin d’être un échec, est un révélateur : c’est ce que j’explore dans mon article « Confort ou inconfort ». L’accompagnement, c’est l’art d’aider l’autre à écouter ce message, à travers l'écoute active, la reformulation, la présence empathique et la mise en autonomie.

📚 Référence : Le soutien à l’autonomie dans les pratiques de santé améliore significativement l’observance, le bien-être et la qualité de vie des patients (Deci & Ryan, 2000 ; Williams et al., 2006) (7).

Conclusion : vers une écologie de la santé

La naturopathie contemporaine, lorsqu’elle s’ancre dans une pratique rigoureuse, ancrée sur les lois du vivant, permet d’unifier les trois axes :

• Guérir : activer le vivant et restaurer les fonctions
• Soigner : soutenir le corps et l’esprit sans les supplanter
• Accompagner : éveiller la conscience, favoriser l’autonomie

Cela demande du discernement, une connaissance fine des mécanismes biologiques, mais aussi une qualité de présence et d’engagement du praticien. C’est une écologie de la santé où l’humain est replacé dans son contexte global, dans une interaction dynamique avec ses choix, ses émotions, son environnement et son hygiène de vie.

Inspiré de la lecture de Guérir, soigner, accompagner de Jacques Benjamin Boislève (janvier 2004)

Références scientifiques

1. Cohen, I.R. (2000). Tending Adam’s Garden: Evolving the Cognitive Immune Self. Academic Press.
2. Bruley des Varannes, S. (2017). Microbiote intestinal et santé globale. Gastroenterol Clin Biol, 41(1), 1–7.
3. El-Radhi, A.S. (2018). Why Is the Evidence Not Affecting the Practice of Fever Management? Children, 5(2), 38.
4. Ader, R., Felten, D.L., Cohen, N. (2001). Psychoneuroimmunology. Academic Press.
5. Crinnion, W.J. (2000). Environmental medicine, part one: The human burden of environmental toxins and their common health effects. Altern Med Rev, 5(1), 52–63.
6. Longo, V.D., & Panda, S. (2016). Fasting, Circadian Rhythms, and Time-Restricted Feeding in Healthy Lifespan. Cell Metabolism, 23(6), 1048–1059.
7. Williams, G.C., et al. (2006). Promoting autonomy and internalization in patients with diabetes: Effects on metabolic control. Health Psychology, 25(1), 91–97.